Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article SELLA EQUESTRIS'

SELLA EQUESTRIS'. Selle de cheval. Le mot sella dans ce sens particulier n'apparaît pas avant le milieu du 1v° siècle de notre ère, et la raison en est simple. A l'origine, les cavaliers montaient à poil; la housse plus ou moins rembourrée qu'on appelait muriota fut ensuite considérée pendant longtemps, même quand elle fut devenue très usuelle, comme une commodité dont un homme aguerri devait se passer, d'autant plus que les anciens n'ont jamais connu les étriers. Ce fut seulement sous l'Empire que la housse, par des perfectionnements successifs, dont gémissaient les gens attachés à la tradition, se transforma en un véritable siège ». Nous avons conservé intégralement, dans sa l'orme latine, le chapitre de l'Édit de Dioclétien, qui concerne la sellerie : sella, désignant la selle de cheval, ne s'y rencontre pas encore; la selle en usage dans l'armée y est appelée scoRmscus2. C'est sous Constantin que le mot semble avoir été introduit dans la langue', parce qu'à cette époque la selle devient, en effet, plus lourde et plus épaisse ; et surtout on donne aux deux arçons plus d'élévation et de consistance qu'ils n'en avaient eu jusque-là, de manière à augmenter la solidité de l'assiette ; ils offrent véritablement au cavalier un appui (falcrunt) qui l'empêche d'être déplacé dans les allures vives. Le bût des bêtes de somme [SAGMA1 avec son armature en bois, ses appuis relevés quelquefois très haut en avant et en arrière, et cou vert de bois et de tapis, réunissait déjà les élé ments d'une selle com mode et offrant un sou tien solide (fig. 6292) 6. D'autre pari, cependant, l~q malgré le silence des textes, on ne peut mé connaitre, si on étudie de près les monuments, que la selle a des ori gines beaucoup plus anciennes. Il faut sans doute en chercher les origines en dehors des peuples classiques, dans les pays étrangers avec lesquels ils sont entrés peu à peu en relations. Sur une plaquette en ivoire gravée de la Russie méridionale, oeuvre grecque d'une très belle exécution, qui ne peut pas être de beaucoup postérieure au v° siècle av.-J.-C., on voit, à côté d'un cavalier scythe désarçonné, un cheval couvert d'une housse sur laquelle est posée une selle très nettement figurée G. Des selles semblables, en usage chez les Scythes, sont représentées (fig. 6293) sur un beau vase en argent du Musée de l'Ermitage, exécuté pour un roi du Pont par un artiste grec du ive siècle'. Les bas-reliefs qui décorent, à Saint-Remy de Provence, le mausolée des Julii nous offrent l'image d'un cheval abattu, portant sur son dos une selle avec deux arçons proéminents (fig. 6294 ;auprès de lui est étendu son cavalier, un Gaulois frappé à mort par un Romain ; ce tombeau, d'après une opinion généra lement acceptée aujourd'hui, date de la fin du ire siècle avant notre ère'. Deux chevaux sellés sont représentés aussi sur les bas-reliefs de 1a colonne tntonine, au milieu d'une troupe barbare qui a joué un rôle dans la guerre entre Marc-Aurèle et les Sarmates°. D'après ces exemples, il apparait clairement que la selle a été en usage dès l'époque classique chez des nations barbares de races différentes et sans rapports entre elles 10, Il est naturel de conclure que les Romains leur ont emprunté la selle, comme ils leur ont emprunté certains véhicules 11. Cette opinion se confirme, si l'on passe en revue les monuments de l'époque impériale représentant des cavaliers qui ont servi dans les corps auxiliaires de l'armée romaine. Trois d'entre eux ont été reproduits à l'article EQGITES (fig. 2738, 2739, 2740). Nous y ajoutons (fig. 629) un bas-relief sculpté sur la tombe d'un cavalier auxiliaire, qui a fait partie de la garnison de Cologne au ne siècle de notre ère, peut-être à la fin du t 12. Ce qui frappe dans ces monuments, mais particulièrement dans le dernier, c'est, la saillie très accusée des deux arçons ; tantôt le pommeau est plus élevé que le troussequin, tantôt il l'est moins ; mais ils encadrent très étroi SEL 1182 SEM terrent, le cavalier, et quelquefois même, comme dans la fig. 6295, ils se rapprochent l'un de l'autre par une courbure si prononcée qu'ils semblent avoir été faits pour livrer tout juste passage au corps de l'homme. Parfois ils sont ornés, sur le côté, de brides ou de lanières. Mais il im porte de re marquer sur tout que la housse est généralement jetée par-dessus la selle, de manière à la dissimuler complètement aux regards; il est probable que la selle de ces cavaliers se composait essentiellement d'une carcasse rigide en bois ou en cuir, plus ou moins rembourrée de crin ou de laine, sur laquelle la housse était cousue, en sorte que les deux pièces faisaient corps l'une avec l'autre Par là on se représente assez bien comment l'ephippium gréco-romain s'est peu à peu modifié sous l'influence des modèles étrangers. Nous voyons parfois cette housse relevée en avant ou en arrière par un noeud ou un froncement de l'étoffe [EPMPPIUM, fig. 2G91], qui lui donne plus d'élégance En substituant à ces ornements des bourrelets et des coussinets adhérents à la housse', on est arrivé insensiblement à faire de l'ephippium une véritable selle, quoiqu'on ait continué à cacher la selle sous la housse, peut-être pour ménager les susceptibilités des gens attachés à l'antique tradition 4. La fig. 6296, empruntée à la colonne de Théodose 3, nous montre ce que la selle était devenue dans les derniers temps de l'Empire, lorsque personne ne songeait plus à lui refuser le nom de sella ni à s'indigner qu'il lui convînt tout à fait°. Une constitution de Théodose(17 juin de l'an 38f) défend d'employer les selles trop lourdes sur les chevaux affectés au service de la poste d'État [cuasus PURLICPS] ; leur poids ne doit pas excéder soixante livres, la bride comprise ; en cas de contravention, la selle doit être détruite Ce texte dit assez quel développement la selle avait pris, particulièrement en Orient, où on a toujours eu du goût pour les hauts troussequins et les harnais surchargés d'ornements. GEORGES Lsr-AvE.